Recrutement et rétention d’éducateurs en milieu rural

La qualité de l'enseignant est considérée comme un élément clé de la réussite scolaire des élèves, or recruter et retenir des éducateurs de qualité dans les milieux ruraux victimes d'éloignement et de pauvreté est un challenge. L'objet de ce billet est de synthétiser des éléments de la littérature académique abordant les difficultés de recrutement et de rétention d'éducateurs en milieu rural. Afin de se faire une idée plus claire de l'ampleur du défi et partager des expériences pour inspirer une action et des choix efficaces. 

Différentes études relatent des difficultés auxquelles font face les éducateurs en milieu rural (Sargent & Hannum, 2005) (Collins,1999) (Howley & Howley, B., 2005). Elles peuvent aussi bien être d'ordre professionnel mais aussi personnel et social, elles sont liées à :

  1. L'éloignement de leur lieu d'origine 
  2. La situation de l'enseignant: le fait d'être plus jeune, d'être male, d'être célibataire, d'être plus qualifié réduisent la satisfaction des éducteurs en milieu rural.
  3. L'isolation, et le manque d'interaction avec les collègues, accentuée par le décalage culturel avec la communauté locale (Sargent & Hannum, 2005) et le manque de moyens de transport et de communications (Sargent & Hannum, 2005)(Howley & Howley, B., 2005)
  4. La charge de travail, typiquement dans le cas de classes multi-niveau, surtout dans les cas ou des préparations ou taches spécifiques doivent être réalisées hors temps scolaires.
  5. La question du salaire est un grand élément d'insatisfaction qui est accentué en milieu rural par le coût élevé de la vie et par le manque d'opportunité de travail complémentaire comme les cours de soutien.
  6. Manque de moyens et de ressources de l'école.
  7. Difficulté de trouver un compagnon pour les célibataires.

Il ressort de la revue de littérature que ces difficultés sont rencontrées aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés, bien que l'acuité des problèmes diffère d'un milieu à l'autre. Ainsi, dans les pays en développement, le problème peut être accentué par une vie rurale plus dure, mais dans les payes développés un défi supplémentaire provient de l'abondance d'opportunités plus intéressantes en ville.

En contre partie, certains éléments positifs du travail en milieux rural que les éducateurs apprécient sont selon (Collins,1999):

  1. Meilleur dicipline des enfants 
  2. Plus de liberté de décision et d'action de l'éducateur, notamment la prise en compte de ses remarques, retours dans le choix de l'école sont importants. 
  3. Taille de classe plus petite (le cas échéant) 
  4. Charge réduite de travail (le cas échéant) 

En plus de ces points, des points plus généraux comme les opportunités de développement professionnel, de formation, La proximité du village d'origine  … sont importants.

(Collins,1999) indique que l'une des approches intéressantes pour recruter et retenir les enseignants dans ces milieux ruraux est le "grow-your-own", c'est à dire encourager les étudiants de communautés rurales à devenir enseignant dans leur propre village. Le travail commence alors au niveau du lycée par identifier les candidats ayant les bonnes compétences pour les motiver à envisager une carrière d'enseignant rural. Ainsi le club "Future Teachers America" encourrage les jeunes étudiants à envisager un carrière d'enseignant dans leur village natal après leur diplôme.

Afin d'encourrager les enseignants à s'installer dans le milieu rurale, des incentives importantes sont mises en place, comme :

  1. Primes et avantages salariaux  (Argentine : 80% du salaire de base, Nepal : 100% du salaire de base, Philippine : 25%, en Costa Rica, Egypte, Guyane, Honduras, Jamaique, Lybie,  Mexique, Venezuella)
  2. Formation spécifique (Bangladesh, Colombie, Mexique, Nicaragua, Venezuella)
  3. Avantage sur les retraites (Costa Rica)
  4. Avantages sur la carrière : Accélération de l'avancement, choix d'affectation … (Egypte, Guyane, Honduras)
  5. Logement offert, accès à la propriété (Iraq, Mexique, Pakistan: foyer pour femmes, Sierra Leone, Senegal, Syrie, Zimbabwe )
  6. Création de réseaux d'enseignants et opportunités de rencontre et échange (Mali et autres).

Selon (Howley & Howley, B., 2005), bien que certaines de ces mesures soient bien conçues en réponse à des besoins identifiés des éducateurs et en fonction des contextes des pays, l'efficacité de ces mesures reste fondée sur des hypothèses théoriques sur le comportement et les priorités de l'éducateur qui ne sont pas prouvées empiriquement. 

D'autres pays, en prise avec ces difficultés ont aussi recours à des stratégies différentes comme :

  1. Le recrutement d'enseignants locaux même moins qualifiés (Sargent & Hannum, 2005)
  2. Une prime par élève pour les initiatives d'écoles privées rurales (Collins,1999), il peut s'agir de jeunes femmes du village qui enseignent,  des fois chez elles, quelques enfants pour une somme modique.

Au delà de ces mesures, il semble selon (Collins,1999) qu'une forte implication dans la vie scolaire et culturelle de la communauté cible contribue à augmenter les chances de rester. Certains enseignants de milieu rural peuvent aussi maintenir une double activité d'enseignement et de travail de la terre. Même si l'expérience peut être éprouvante, leur niveau d'éducation leur permet de s'améliorer dans leur pratique.

En synthèses, les difficultés rencontrées par les enseignants en milieu rural sont réelles et multiples, ce qui rend leur recrutement et rétention plus délicats. En réponse à ses difficultés des approches d'encouragement tout aussi diverses ont été mises en place, aussi bien que des approches d'accompagnement à plus long terme pour développer au sein de la communauté même la ressource à même de prendre en charge la mission d'enseignement. Pour la suite, cette revue demande certainement à être complétée par une revue des études empiriques sur l'efficacité des différentes approches.